Depuis quelques mois, de très nombreuses entreprises subissent des hausses consécutives du prix des matières premières. Et ce quelque soit le domaine concerné : textile, BTP, automobile et beaucoup d’autres encore. Les industries du papier, de l’imprimerie et de l’emballage ne font pas exception à ce phénomène nouveau.
La pandémie mondiale de COVID-19, l’accroissement de la demande, les problématiques de transport et de l’évolution des réglementations environnementales, sont autant de contraintes qui engendrent des difficultés d’approvisionnement et des augmentations du prix du papier, ce dernier atteint des niveaux records.
Que se passe-t-exactement à l’heure actuelle ? Comment expliquer les hausses successives de prix papier et donc des imprimés ? Quels seront les conséquences de cette situation nouvelle pour beaucoup d’industriels et de clients print ?

Les raisons de la flambée des prix du papier

La crise du COVID est la principale cause de la pénurie qui touche actuellement l’industrie papetière. Celle-ci a complètement rebattu les cartes du jeu de l’offre et de la demande. Nous allons vous expliquer les principaux leviers en œuvre dans cette situation inédite pour les imprimeurs.

Augmentation de l’indice des prix à la production

En février 2017, les prix de la pâte à papier, du papier et des produits connexes ont lentement commencé à augmenter. Selon le Bureau of Labor Statistics, l’indice des prix à la production (IPP) est passé de 167,4 en février 2017 à 212,4 en mars 2018, soit une augmentation de plus de 25 %. De décembre 2020 à avril 2021, le PPI a encore grimpé à 277,7, soit une augmentation supplémentaire de 13 %. Ces augmentations, qui totalisent maintenant plus de 38 %, ne devraient pas ralentir de sitôt.

Fluctuation de la demande et fermeture d’usines

Lors des derniers mois, la demande en produits à base de papier a été très erratique ce qui a eu un fort impact sur la production. En effet, une demande plus forte au début de 2021, après une forte baisse lors de l’année précédente. La généralisation du travail à distance en 2020, a eu pour effet une réduction des besoins en papier et donc une chute de la demande. Les fabricants ont donc dû faire face de plein fouet à cette crise et ceux ne pouvant pas s’adapter ont mis la clé sous la porte. Aux États-Unis et en Europe, les entreprises n’ayant pas fermées se sont vues dans l’obligation de réduire davantage leur capacité de production. En résumé, l’offre actuelle n’est pas en mesure de répondre à la demande. Comme la demande s’accroît mais que la production est toujours arrêtée, les prix du papier et du carton continuent d’augmenter.

Explosion des achats en ligne livrés sous carton et autres effets secondaires du confinement

En parallèle de ces problématiques d’offres, les cours de la matière première à la création du papier et du carton, la pâte de bois, se sont envolés. Rien qu’au cours de l’année dernière, les prix de la pâte de bois ont augmenté de 20%.
Double effet confinement, les rénovations et autres projets sont devenus plus populaires que jamais, tout comme les achats en ligne qui sont emballés et livrés sous carton. Ainsi, la forte demande de bois d’œuvre et l’utilisation de plus en plus importante de carton d’emballage ont un lourd impact sur le prix de la pâte de bois.

Accroissement du prix de vente des fournisseurs papiers et des délais d’approvisionnement

Pour répondre à l’augmentation de la demande, les usines ont dû augmenter leurs prix pour couvrir leurs propres coûts. Les papeteries nationales et étrangères spécialisées dans le papier couché, le papier non couché et le carton ont toutes annoncé des hausses de prix. Alors que la demande pour leurs produits monte en flèche, les papeteries qui restent ouvertes profitent de cette occasion pour augmenter les prix et réinvestir dans leurs activités.

Grâce à l’évolution de la demande en 2021, les arriérés dans les usines ont également augmenté. Ce qui était autrefois un retard de deux à trois semaines est maintenant un retard de dix à seize semaines, voire plus.

Modification des modes de consommation : quand l’écologie fait exploser la demande de pâte à papier

La crise du COVID a également interpellé les consciences au sujet de l’impact des activités humaines sur l’environnement. Et nombre de personnes ont par ce fait développé une sensibilité aux questions environnementales. Les entreprises l’ont bien compris et mettent tout en œuvre pour montrer leur engagement vert à leurs clients. Les gobelets en plastique utilisés majoritairement dans la restauration rapide, les boulangeries ou encore les cafés, sont remplacés par des gobelets en carton ou en pâte de papier recyclé. Ces derniers matériaux sont en effet jugés moins nocifs pour l’environnement. Les supermarchés et hypermarchés estampillés BIO sont de plus en plus nombreux à proposer des produits en vrac, conditionnés sous papier kraft plutôt que sous film plastique.
Encore une fois, la demande est en train d’exploser sur un poste qui jusque-là n’existait pas ou restait minoritaire.

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Quelle sera la suite pour les imprimeurs ? Mais également pour tous les acteurs dépendant des matières premières issues du bois

L’équilibrage minutieux de l’offre et de la demande restera une nécessité tant pour l’industrie du papier dans son ensemble que pour les imprimeurs commerciaux. La pression inflationniste s’accompagne en outre d’un allongement des délais de transport, ce qui occasionne un allongement des cycles d’exploitation et de fait une augmentation de leur besoin en fonds de roulement. Face à cette situation, les entreprises réagissent tant bien que mal en mettant en place des stratégies de couverture des prix sur le marché ou de renégociation des contrats en direct avec leurs fournisseurs pour tenter de conserver leurs marges.

L’heure est également à l’optimisation de la gestion de l’approvisionnement : constitution de stocks, recherche d’alternatives aux matières premières traditionnellement utilisées, changement de fournisseurs etc. Sur le court terme, toutes les initiatives sont bonnes pour se prémunir de l’inflation et des risques de pénuries. Néanmoins, dans un contexte d’explosion de la demande, la constitution de stocks n’est parfois plus possible. La vigilance est de mise.

Les États industrialisés s’inquiètent pour leurs entreprises et tentent ainsi de faire pencher la balance en faveur d’une baisse des prix. La Chine libère ainsi depuis peu ses stocks stratégiques et menace de sévir contre les spéculateurs pour soutenir ses millions d’usines et de chantiers de construction. De telles mesures ne sont pas encore envisagées en Europe. Il est bien difficile de prévoir pour le moment comment la situation évoluera. Mais il est fort à parier que l’équilibre jusque-là bouleversé entre l’offre et la demande reviendra bientôt à la normale. Si la demande continue à se faire aussi importante, de nouveaux acteurs pourraient entrer sur le marché ; où bien les acteurs existants pourront investir dans de nouveaux outils technologiques afin d’augmenter leurs capacités de production. L’enjeu étant pour tous de tirer parti au maximum de la situation pour gagner des parts de marché.

En France, de nouvelles méthodes de production industrielle dites “ à la demande” tendent a se développer. Elles font réponse aux pénuries observées dans tous les domaines industrielles. A voir si la tendance se confirme et si cela suffira à apporter des réponses aux problèmes actuels.